Japon, 1923

Cuirassés Classe Nagato

Ces deux cuirassés dreadnoughts, le Nagato et le Mutsu, furent les derniers de ce type construits dans le monde avant le traité de Washington. À la même époque, les Américains terminaient leurs Maryland. Ces deux bâtiments reflétaient parfaitement l’escalade que le fameux traité prétendait combattre : dotés pour la première fois de pièces de 406 mm, ils étaient pourvus d’un blindage allant jusqu’à 37 cm, et pouvaient filer 26,7 nœuds contre 23 seulement pour les Ise et Fuso précédents, et 21 pour les dreadnoughts Américains. Ils étaient également, avec 34 000 tonnes en standard, déjà à la limite du traité, et plus lourds que les Maryland (33 000), tout en étant beaucoup plus grands.

 

Le Mutsu en 1938

Le Mutsu en 1938.

Le Nagato en 1922

Le Nagato en 1922.

Il s’agissait d’un premier jalon en vue de navires beaucoup plus importants (voir « projets »), et ces deux bâtiments exceptionnels, gardèrent une suprématie seulement trois ans, avant que les Britanniques ne lancent leurs deux Nelson. Ambassadeurs de la marine Nippone, ils se reconnaissaient immédiatement contrairement aux autres à leur grande passerelle à ponts multiples rappelant immanquablement une pagode et édifié sur une solide base hexapode. De plus leur artillerie secondaire atteignait la bagatelle de 20 pièces de 140 mm en barbettes sur deux étages, et leur défense assurée par 8 pièces de DCA de 80 mm et 8 tubes lance-torpilles latéraux de surface et sous la ligne de flottaison. Du jamais vu. Ces monstres nécessitaient pas moins de 21 chaudières pour activer leurs quatre hélices. Du fait de leurs performances hors-normes, on peut sans doute les classer également dans la catégorie des cuirassés rapides, ce en quoi ils furent pionniers.

Leur silhouette évolua durant l’entre deux guerres, leur passerelle se renforçant, leur mât arrière étant simplifié, leurs cheminées tronquées, une catapulte ajoutée, puis en 1934, une grande refonte commença pour les deux bâtiments, qui devait s’achever en 1936. Celle-ci commença par faire enlever leurs anciennes chaudières et à remplacer leur propulsion par quatre groupes de turbines plus modernes alimentées par 10 chaudières à mazout (6 étaient encore à Charbon précédemment). Par ailleurs, on modifia leur coque pour permettre de compenser leur prise de poids, celle-ci recevant de massifs ballasts latéraux remplis de mazout, faisant passer leur largeur de 29 à 34,6 mètres et leur longueur de 215 à 224 mètres. Le tirant d’eau augmenta d’un mètre, l’allongement de la coque compensant un éventuel effet de « soc » de charrue » par gros temps. Mais malgré ces efforts, si l’autonomie progressait en passant de 5000 à 8600 milles marins, la vitesse tombait à 25 nœuds. Par ailleurs, on enleva 4 pièces de 140 mm de la batterie, tandis que la DCA passait à 8 pièces de 127 mm et 20 de  25 mm AA. (Jusqu’à 98 pendant la guerre) La passerelle était encore renforcée, le blindage des superstructure renforcé, les tubes lance-torpilles supprimés, la mât arrière recevant télémètres et passerelle tandis que l’on aménageait un hangar et plaçait une catapulte en arrière de la tourelle N°3.

C’est dans cet allure que le Nagato et le Mutsu formaient le fer de lance de la flotte Japonaise avant que n’arrivent le Yamato et le Musashi. Mais malgré ce rôle de leaders, ils furent relativement peu engagés au combat. En 1942 le Nagato était à Midway, puis n’effectua que des exercices d’escadres en 1943. En juin 1944 lors de l’opération « A-Go » aux Philippines, il escortait les porte-avions On lui ajouta en même temps que l’on renforçait puissamment sa DCA, un radar. En 1944, à Leyte il participait à la force navale déployée par Kurita contre la force de débarquement américaine dans le golfe de Leyte. Malgré l’attaque désespérée des destroyers Américains qui sont le seul rempart de la flotte amphibie de Kinkaid avec ses porte-avions d’escorte, le Nagato et les autres cuirassés de la flotte détruisent le Gambier Bay, trois destroyers, en mettant hors de combat deux autres et en touchant gravement trois autres porte-avions. Mais Kurita pense avoir à faire à des forces supérieures et replie sa flotte. C’est le « miracle de Leyte ». Le Nagato fut attaqué par des appareils de la task-force 38 et fut touché 2 fois peu gravement. Il rejoignait ensuite Yokosuka pour entretien et réparations. Faute de matériel les réparations ne s’achevèrent jamais, et le navire resta à quai faute de mazout. Il fut attaqué par des escadrilles de la TF38 en juillet 1945, recevant encore deux impacts mineurs. Il fut sabordé et capturé par les américains le 20 septembre. On le convoya et l’utilisa alors dans l’atoll de Bikini pour le test Able, auquel il survécut, contrairement au test Baker. Son épave y repose toujours.

Quant au Mutsu, il assista son jumeau lors de la campagne en Chine à partir de 1937, puis servit surtout pour l’instruction en 1941. Lors de l’offensive sur Midway, il était présent avec le Nagato, mais échappa à tous dommages. Il resta à Kure quelque temps puis on l’envoya à Truk. De là, il escorta la force de débarquement à Guadalcanal. Le 27 août durant la seconde bataille des Salomons Orientales, il fut attaqué par des appareils de l’US Navy, sans conséquence, et effectua une autre sortie de bombardement avant de rallier Truk à nouveau. Il y resta jusqu’au 7 janvier 1943, quittant la base pour passer ne cale sèche à Yokosuka. Plus tard, il ut employé pour la formation des cadets de la marine impériale, à Hashira Jima, dans la baie d’Hiroshima. C’est durant cette période que survint, le 8 juin 1943, une cataclysmique explosion : sa soute à munition arrière sauta, probablement à cause d’un feu accidentel de cordite (un gaz résultant du combustible des gargousses d’obus), volatilisant littéralement toute la partie arrière, ouvrant le bâtiment en deux qui chavira et sombra si vite qu’il emprisonna avec lui 1222 officiers et matelots, dont de nombreux jeunes élèves. La coque y resta jusqu’en 1970 intouchée, comme sépulture, avant que le gouvernement ne se décide à la renflouer et à la démanteler pour assurer la navigation commerciale dans ce secteur. La tentative échoua, mais on remonta et sauvegarda une tourelle principale, exposée depuis au musée de la guerre. L’épave y réside toujours.

 

Spécifications techniques

Déplacement 39 120 t. standard -42 732 t. Pleine Charge
Dimensions 224,91 m long, 32,96 m large, 9,49 m de tirant d’eau
Machines 4 turbines à vapeur, 10 chaudières, 82 000 cv.
Vitesse maximale 25 nœuds
Blindage Ceinture 280, pont 140, cloisons internes 280, tourelles et tour 380 mm
Armement 8 x 406, 18 x 152, 8 x 127 AA, 20 x 25 mm AA, 3 avions
Équipage 1 368